Huit.
C’est
le nombre de fois où je t’ai halluciné. Le nombre de coureurs que j’ai pris
pour toi dans un seul avant-midi. Des gros, des « autres ethnies »,
des lents. C’est dire la force de ma projection. C’est devenu ma normalité.
Tourner sensiblement la tête à chaque humain qui semble marcher le moindrement
un peu vite, au cas où ça serait toi. Pourtant, force est de constater que le
temps a passé. Que je me suis remise de cet accident d’univers fracassant. Je
suis rendue ailleurs comme on dit. Prête à accueillir un autre homme dans mes
bras. Prête à m’investir, à ne pas me permettre de me demander ce que je ferais
si tu revenais. La vie suit son cours, j’ai refait mon casse-tête. Un fichu de beau casse-tête qui déborde de bonheur et de réussites. Probablement que tes
morceaux ne pourraient plus se mêler aux miens même si on essayait très fort,
même si on les mélangeait de toutes nos forces. Je suis transformée,
reconnaissante de cette histoire magnifique. Je ne me demande
presque plus si tu es heureux. J’arrive à rester loin de toi, même en pensées.
Je
m’explique mal pourquoi, alors, je tourne la tête si souvent dans une journée.
Probablement pour me remémorer ta trace dans ma vie. Peut-être juste par
habitude. Si on finit par se croiser, ne t’arrête pas. Desfois que tout
ça serait plus fragile que je pense.