Je n’avais
pas encore les bons mots. Mais c’est un peu le sens de ce que j’ai voulu dire
au flamboyant circassien qui me poursuivait outremer, de ses déclarations
passionnées et de ses demandes en mariage à répétition. Malgré l’agréable
intensité du moment, aucun fil ne se tissait. Tout était toujours à reprendre
au début. Après chaque espoir, je tombais dans le vide de son absence.
J’ai trouvé
ces mots, il y a peu de temps. Ils se sont mis à résonner en moi clairement. Je
les ai appliqués au vieil ami, amant de toujours avec qui le terrain commençait
à devenir glissant. L’amour était là, l’attirance de retour. Mais toujours pas
de fil qui se tissait. Pas de compatibilité possible entre les modes de vie,
les aspirations. Entre les conversations profondes, des non-dits, des
allusions, pas de clarté, pas de concret. J’ai dit non. Pas comme ça.
Ça a été
long avant d’en arriver là avec toi. Je me suis baignée dans l’idée de ta
présence presque jusqu’à la noyade. Le fil était là, quelque part entre nos deux
vies irréconciliables. J’ai profité de ta douceur, de tes courtes apparitions
dans ma boite courriel. Je me suis imprégnée de l’idée de toi, mon amour
éternel. Puis, la réalité a
fait surface. Pour la première fois depuis toujours je pense, s’est imposé un
grand besoin de tangible, de concret. Le fil m’a soudain semblé si faible, si
décevant. Sans compter la douleur de ta bien-aimée légitime, déchirée par ce
fil qui lui échappait. C’est devenu une évidence, je t’aurais voulu dans ma vie
plus que tout. Mais pas comme ça.
Ça fait
étrange de ne pas sentir le manque de toi. C’est reposant, apaisant. Je sais
que le fil continue d’exister. Mais je mets le cap sur une route que je pourrai
sentir sous mes pieds.