15 décembre 2016

Pas comme ça

Je n’avais pas encore les bons mots. Mais c’est un peu le sens de ce que j’ai voulu dire au flamboyant circassien qui me poursuivait outremer, de ses déclarations passionnées et de ses demandes en mariage à répétition. Malgré l’agréable intensité du moment, aucun fil ne se tissait. Tout était toujours à reprendre au début. Après chaque espoir, je tombais dans le vide de son absence.

J’ai trouvé ces mots, il y a peu de temps. Ils se sont mis à résonner en moi clairement. Je les ai appliqués au vieil ami, amant de toujours avec qui le terrain commençait à devenir glissant. L’amour était là, l’attirance de retour. Mais toujours pas de fil qui se tissait. Pas de compatibilité possible entre les modes de vie, les aspirations. Entre les conversations profondes, des non-dits, des allusions, pas de clarté, pas de concret. J’ai dit non. Pas comme ça.

Ça a été long avant d’en arriver là avec toi. Je me suis baignée dans l’idée de ta présence presque jusqu’à la noyade. Le fil était là, quelque part entre nos deux vies irréconciliables. J’ai profité de ta douceur, de tes courtes apparitions dans ma boite courriel. Je me suis imprégnée de l’idée de toi, mon amour éternel. Puis, la réalité a fait surface. Pour la première fois depuis toujours je pense, s’est imposé un grand besoin de tangible, de concret. Le fil m’a soudain semblé si faible, si décevant. Sans compter la douleur de ta bien-aimée légitime, déchirée par ce fil qui lui échappait. C’est devenu une évidence, je t’aurais voulu dans ma vie plus que tout. Mais pas comme ça.

Ça fait étrange de ne pas sentir le manque de toi. C’est reposant, apaisant. Je sais que le fil continue d’exister. Mais je mets le cap sur une route que je pourrai sentir sous mes pieds.

6 mai 2016

Huit

Huit.
C’est le nombre de fois où je t’ai halluciné. Le nombre de coureurs que j’ai pris pour toi dans un seul avant-midi. Des gros, des « autres ethnies », des lents. C’est dire la force de ma projection. C’est devenu ma normalité. Tourner sensiblement la tête à chaque humain qui semble marcher le moindrement un peu vite, au cas où ça serait toi. Pourtant, force est de constater que le temps a passé. Que je me suis remise de cet accident d’univers fracassant. Je suis rendue ailleurs comme on dit. Prête à accueillir un autre homme dans mes bras. Prête à m’investir, à ne pas me permettre de me demander ce que je ferais si tu revenais. La vie suit son cours, j’ai refait mon casse-tête. Un fichu  de  beau casse-tête qui déborde de bonheur et de réussites. Probablement que tes morceaux ne pourraient plus se mêler aux miens même si on essayait très fort, même si on les mélangeait de toutes nos forces. Je suis transformée, reconnaissante de cette histoire magnifique. Je ne me demande presque plus si tu es heureux. J’arrive à rester loin de toi, même en pensées.


Je m’explique mal pourquoi, alors, je tourne la tête si souvent dans une journée. Probablement pour me remémorer ta trace dans ma vie. Peut-être juste par habitude. Si on finit par se croiser, ne t’arrête pas. Desfois que tout ça serait plus fragile que je pense.

10 juin 2015

Ces amours-là

Il y a des blessures qui ne guériront jamais. Ou qui minimalement, prendront beaucoup de temps à le faire. Arrive ainsi un jour où on reconnait que nos « histoires d’amour » ne mènent à rien ou pire, contribuent à garder la blessure bien vive. On en vient à la conclusion que tout ça n’est pas pour nous, qu’on n'y arrivera pas.  La vie étant pleine de surprise, c’est ainsi qu’en croyant s’éloigner de l’amour on le rencontre sous des formes insoupçonnées, dans toute sa splendeur.

On remarque d’abord l’amour évident qu’exprime les enfants sous forme de mots tendres, de câlins infinis mais surtout dans les milliers de moments de complicité qui passent si vite qu’on aurait pu les manquer sans notre nouvelle aptitude à ouvrir grand les yeux et à saisir chaque instant.

On prend ensuite conscience de la profondeur des amitiés qu’on savait précieuses mais dont on n'avait pas remarqué l’infinie possibilité d’être non seulement authentique, mais d’être aimée de plus en plus à mesure qu’on se permet d’être soi-même.

Il y a aussi le vieil ami depuis toujours, qui de retour aux études, devient un coloc ponctuel permettant semaine après semaine les discussions personnelles, politiques, superficielles, ridicules etc, les fous rire, les confidences toujours empreintes de la même sincérité.

Arrivent ensuite les camarades politiques avec qui on sent qu’on peut aligner nos idéaux et travailler à changer le monde à coup de vérités partagées et de relations empreintes d’admiration et de doux respect.

Même le vieil amant avec qui on a vécu une relation déchirante et interminablement on and off revient dans le décor et se révèle sous un tout nouveau jour. On peut maintenant discuter authentiquement de soi, de la vie, de l’amour, de tout en fait, sans glisser dans la séduction et le flou qui s’en suit généralement. On peut même, si on observe bien, voir dans ses yeux une lueur d’admiration, d’approbation qui vient confirmer la valeur qu’on commence à s’accorder.

Et c’est comme ça, que tout simplement, seule, on touche à l’amour, le vrai et que le coeur explose de gratitude.

3 juin 2015

Cette fille là.

On parle souvent de l’homme qui a trompé sa femme. On l’accuse de tous les maux ou on comprend qu’il cherchait ce qu’il ne trouvait plus dans son couple, c’est selon. On parle aussi de la femme trompée, de sa douleur, de son sentiment de trahison. On conçoit à l’occasion sa part de responsabilité dans cette situation, son rôle dans la dynamique de couple qui  a mené à cette incartade.

On parle rarement de cette fille-là, de la tentatrice, de celle par qui le malheur arrive. On s’attarde peu à son vécu sinon pour présumer de son penchant pour le plaisir et la légèreté, de sa facilité à se détacher.

Si on me demandait mon avis, je pencherais plutôt pour la présence d’une blessure, d’une difficulté à s’engager doublée d’un immense désir de vivre à deux, de faire comme les autres. Je parlerais de la force de ce qu’elle a ressenti, de l’ampleur de ses sentiments envers lui, de l’impression d’avoir fait un « accident d’univers » qui l’habitait. Mais surtout, je soulignerais que ça fait beaucoup trop mal de se sentir abandonnée pour la "légitime" et que malgré l’authenticité et la profondeur du lien, plus jamais elle ne s’infligera ce degré de souffrance.

10 mars 2015

L'élan

L’élan amoureux ressenti au début d’une relation est fort probablement nécessaire pour nous pousser à nous engager dans une entreprise extraordinaire mais qui réserve son lot de défis et de difficultés. Il y a fort à parier que sans cet état magique qui nous soulève, peu d’êtres humains accepteraient de s’engager dans cette aventure.

Or, qu’arrive-t-il quand on collectionne les départs ratés, les disparitions et les espoirs déçus ? Que se passe-t-il quand les actes de foi se terminent à répétition en naufrage ? Quand le corps est fatigué de tant de passion interrompue ?

On s’investit dans un beau projet professionnel, on relève des défis sportifs, on plonge dans la musique, on peaufine nos si belles amitiés, on amplifie notre implication citoyenne, on couve les enfants. On se surprend de notre capacité à générer le beau, le doux, le lumineux, on sent quelque part en nous l’envie de partager tout ça, mais on doit se rendre à l’évidence, malgré les mois qui passent, l’énergie de rencontrer ne revient pas.

Même si une année s’est écoulée (pile aujourd’hui) depuis cette rencontre coeur à coeur déroutante, malgré le coeur qui s’est agrandit et l’extraordinaire transformation qui a jailli de tout ça, non, ce n’est plus possible de risquer une rencontre. Même pas par peur, par dépit ou par défense. Juste parce que l’énergie n’est plus disponible. Même si c'était lui.


Difficile de trancher entre la tristesse et le soulagement, c’est juste ainsi.

25 octobre 2014

Le combat


La lutte fut terrible. Avec courage et force, la princesse terrassa le dragon. Ou plutôt les dragons, puisqu’à chaque coup d’épée, une tête repoussait, à chaque coup de poing, ils se multipliaient. Déterminée à en finir avec ces montres qui la terrifiaient depuis aussi loin qu’elle se souvienne, elle plongea au fond d’elle-même et arracha toutes les racines qui nourrissaient la terreur. Au passage, elle rompit les liens malsains avec sa lignée de femmes. Toute seule. Grande et forte. À aucun moment elle ne laissa la peur l’envahir.
Maintenant c’est la nuit. La princesse est recroquevillée par terre, devant sa tour. Translucide de fatigue, elle émet tout de même une faible lumière blanche. Le corps en champ de bataille, elle panse ses plaies. Ni triste ni en colère, elle n’a pas assez d’énergie pour la joie. Immobile, rien n’existe à part un minuscule instant présent pas plus gros qu’une étincelle. Reste à voir si le prince tant espéré aura vaincu ses dragons de son côté et viendra doucement se blottir contre elle, connectant ainsi sa lumière à la sienne tout en posant son beau coeur sur le sien qui bat encore. Malgré tout. Ou si le temps lui permettra de regagner suffisamment de force pour se transformer lentement en ange lumineux.

5 octobre 2014

Le beau et le terrible

Une fête d’ami(e)s qui bat son plein, la pluie, le froid, mais des gens qui s’aiment réunis pour célébrer la fin de la chimio d’une battante extraordinaire. On a cessé de compter les paradoxes depuis longtemps. La tristesse et la colère refoulées côtoient la joie et le bonheur tout simple. La vie pétille, la mort pas si loin même si reportée assez loin pour qu’on se permette d’être soulagés.

Un élan qui ressurgit, cette envie d’être consolée, de digérer à deux toutes ces émotions. Mais il n’est pas là, on le sait bien.

Et dans ce tourbillon d’intenses émotions, on prend conscience de la force de ce cercle de femmes, de ces amitiés indescriptibles qui se sont tissées chacune à leur façon mais qui sont indestructibles. Ces liens qui font qu’au fil des événements douloureux, le beau émerge toujours. Inextricablement lié au terrible, à la douleur vive.

Malgré l’envie que le beau grand coeur qu’on s’active à oublier nous réconforte, là au milieu de cette fête, on réalise que les véritables piliers sont là, pas loin dans cette pièce, ou présents au fil des jours. À travers les événements ordinaires.

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Un souper d’amies, le dimanche. Tout le monde met la main à la pâte pour préparer un repas qui sera délicieux malgré (ou à cause ?) de sa simplicité. La discussion jamais ne s’arrête, le nouveau bonheur amoureux de l’une est célébré sincèrement par les autres, même si plusieurs ont le coeur en berne. Le besoin de se taire de certaines trouve sa place dans l’envie de partager des autres. Les déceptions amoureuses côtoient le cancer et les frasques d’un adolescent. Chaque parole est reçue, chaque rire est complice. Les silences sont réconfortants. La vie s’exprime simplement et librement dans ses extrêmes.

Et c’est ainsi que le beau et le terrible se côtoient sans fin, dans une danse époustouflante, déroutante mais assurément magnifique.


Pour mes ami(e)s, pilliers irremplaçables, chacun(e)s à votre façon.