31 août 2008

Éthique du plaisir

Si on a envie de vivre une relation basée uniquement sur le plaisir physique avec quelqu’un à qui on a déjà arraché le cœur, qu’on se doute que la situation pourrait l’atteindre, peut-on quand même aller de l’avant avec nos propositions indécentes ? Plusieurs diront que l’autre est un adulte et qu’il est en mesure de gérer lui-même ses états d’âmes, de prendre une décision et de mettre ses limites. Position tentante à adopter lorsque la certitude demeure quand à l’aptitude de ces épaules merveilleuses à vous emmener au 7è ciel à coup sûr. J’aurais plutôt tendance à dire qu’une responsabilité éthique subsiste et qu’elle consiste à ménager l’autre, surtout lorsque par le passé on est loin d’avoir été irréprochable et qu’on doit tenir compte des dommages possibles que cette rencontre extatique ou même sa simple évocation pourrait créer.

L’obsession perdurant depuis plusieurs mois, une autre question s’impose : Est-ce véritablement le corps de l’autre qu’on veut posséder? Ce désir incessant ne cacherait-il pas des sentiments plus profonds ? La panique qui s’installait à l’époque de la proximité émotive était-elle du à une peur de laisser tomber sa carapace, de perdre ses repères ?

Est-ce la nouvelle histoire naissante de l’ex fréquentation qui stimule un côté guerrier et crée une envie de conquérir ce qu’on sent nous échapper. Est-ce le désir, suite à de nombreuses épreuves, d’exister dans le regard de l’autre, de se sentir à nouveau belle et magnifique, d’appliquer un baume sur les plaies ouvertes ? La tentation de se réparer dans les bras d’un autre quitte à les abandonner lorsque épuisés ?

Ou est-ce la prise de conscience de notre incapacité à se laisser aimer véritablement, à accepter qu’un autre être humain puisse prendre soin de nous au quotidien ? La réalisation profonde que laisser quelqu’un partager sa route crée, à tort, la crainte de perdre sa force et son aptitude, durement acquise, à être capable toute seule ?


Dans le doute, il vaut probablement mieux s’abstenir et malgré la torture, laisser l’autre à son bonheur. Il le mérite bien.

2 août 2008

Le vertige

Se pourrait-il, une fois le cœur et le corps arrêté que tout se mette en place afin d’éviter tout contact susceptible de les solliciter à nouveau ? Qu’au souvenir de la dernière blessure vive bien présent, un espèce de système d’alarme, un périmètre de sécurité, s’installe et génère automatiquement des comportements répulsifs pour quiconque oserait s’aventurer trop près. Comme si l’âme refusait de risquer une nouvelle blessure peut importe l’attrait de ce qui se présente.

Est-ce possible qu’à l’approche d’un homme intéressant, la seule réaction possible soit la distance, l’indifférence, l’absence, le désintérêt ? Malgré l’envie bien présente de s’approcher, d’aller explorer les alentours. Comme si le cœur n’y était pas. Alors que gonflé d’espoir, il préfère s’effacer au lieu de risquer une autre chute. Quitte à manquer une délicieuse rencontre.

Ou au contraire est-ce l’irrésistible envie de revivre encore et toujours des histoires complexes et tordues qui nous pousse à placer nos pions selon une étrange stratégie bien connue pour donner des résultats catastrophiques.

Ou est-ce le vertige ?

« Celui qui veut continuellement s’élever doit s’attendre à avoir un jour le vertige. Mais qu’est-ce que le vertige ? La peur de tomber ? Mais pourquoi avons-nous le vertige sur le belvédère pourvu d’un solide garde-fou ? Le vertige c’est autre chose que la peur de tomber. C’est la voix du vide qui nous attire et nous envoute, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite continuellement. »

« Avoir le vertige c’est être ivre de sa propre faiblesse. On a conscience de sa faiblesse et on ne veut pas lui résister mais s’y abandonner. On se saoule de sa propre faiblesse. On veut être faible encore, on veut d’écrouler en pleine rue aux yeux de tous, on veut être à terre, encore plus bas que terre. »

Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être.